France Honors Francesca Canadé Sautman, Anne-Sophie Guéguen, Florence Mauchant, and Catherine Poisson

France Honors Francesca Canadé Sautman, Anne-Sophie Guéguen, Florence Mauchant, and Catherine Poisson

On June 12th, Antony Baudry, Cultural Counsellor of the French Embassy decorated Francesca Canadé Sautman, Anne-Sophie Guéguen, Florence Mauchant, and Catherine Poisson for their action towards bilingual education and the promotion of French culture. They were awarded of the Insignia of officer of the Order of Academic Palms during a ceremony held at the Cultural Services.

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Ladies and Gentlemen, Mesdames, Messieurs,

Good Evening ! Bonsoir !

Just two weeks ago, the Cannes Film Festival ended.

For this occasion, a masterful film by Sergio Leone was restored : Once Upon A Time in America.

Il était une fois en Amérique: this could also be the title of this evening. The film tonight is about the long and glorious French tradition of education. In its credits: Francesca Canadé Sautman, Anne-Sophie Guéguen, Florence Mauchant, and Catherine Poisson.

Welcome!

I have a confession to make. I’m afraid it’s not the Palme d’Or we will be conferring tonight… but the Palmes Académiques.

But don’t be disappointed: it is much more prestigious. Napoleon himself created it in 1808!

And I would say it is much more glamourous too.

Have you seen our red carpet over there? Our Michelangelo statue downstairs? Isn’t it much more impressive than the Palais des Festivals?

And look at you! You are the real stars. There’s no glitter here, only our honourees’ success is sparkling.

Anyway, the Palme d’Or is just one step away from the Palmes Académiques. A big step of 6,000 kilometers, true… but did you know that the Festival was initiated by a Minister of Education?

His name was Jean Zay – not to be confused with Jay Z… who would actually be at Cannes.

What Jean Zay would be – and what I am -particularly pleased about tonight is that we have brought together four professionals whose collective work represents all aspects of the teaching of French.

– Development of French programs in public schools,

– Establishment of a bilingual school,

– Construction of the new Lycée Français,

– Edification of young minds at university:

All of our honorees are the builders of special places for future generations. We celebrate tonight these four remarkable women who dedicated themselves day and night to education.

I started this ceremony in English but since all our honorees are from France, please allow me to speak in our mother tongue tonight.

And now… I will proceed in alphabetical order.

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Chère Francesca Canadé Sautman,

Vous êtes née en France mais de parents américains, expatriés après la guerre. Vous avez grandi à Boulogne-Billancourt mais dans un environnement américanophile, et c’est aux Etats-Unis que vous vous êtes spécialisée en littérature médiévale française.

On peut dire que vous maîtrisez l’art du retournement de situation.

Vous avez grandi entre deux pays et deux cultures, un chassé-croisé de nombreuses rencontres fondatrices ont alimenté tout au long de votre vie.

La première de ces rencontres, et la plus importante, d’après mes espions, c’est votre père.

Eugène Canadé était artiste peintre, tout comme son père, Vincent Canadé, et travaillait parallèlement pour l’Unicef. Chez vous défilaient en permanence artistes et fonctionnaires internationaux, comme dans les romans d’Albert Cohen. Vous gardez de certains un souvenir ému: la française Hermine David et ses gravures, l’espagnol Federico Castelon et ses illustrations, l’américain Adolf Dehn et ses lithographies… On impressionne généralement assez facilement un enfant mais dans un tel environnement, même le vieillard le plus blasé aurait été émerveillé.

Eugène aimait particulièrement Cézanne, Braque, Picasso. En 1963, il expose ses tableaux à Paris, Place Saint-Augustin, dans la galerie de son amie Lucy Krogh. C’est également lui qui vous transmet le goût des arts du Moyen-âge et de la Renaissance, que vous irez étudier quelques années plus tard à la prestigieuse Université de Californie à Los Angeles.

Là bas, à l’autre bout du monde, vous rencontrez votre mentor, le regretté Claude Gaignebet disparu malheureusement le 5 février dernier.

Il était le spécialiste de Rabelais et avait été l’élève de Lévi-Strauss, c’est en soi un mélange intéressant. Vous n’échappez donc pas à l’apprentissage d’autres sciences humaines, comme la sociologie. Et dès cette date, vos travaux sur l’homosexualité féminine au Moyen-Age, dont on peut imaginer que ce n’est pas le thème le plus facile du monde, sont, je dois dire, pionniers en matière de gender studies !

Claude Gaignebet vous initie à l’étude du folklore et des mythes. Il inspire votre livre, La Religion du Quotidien: Rites et croyances populaires de la fin du Moyen Age.

Il était également le spécialiste du carnaval. Vous en gardez l’idée que la culture est une fête, un foisonnement, un feu d’artifice et non pas une ascèse. C’est d’ailleurs l’objet de votre collaboration avec les Archives Nationales en 2008, pour le projet de promotion de la lecture Lire en fête.

Mais l’influence de Claude Gaignebet n’est pas la seule à être décisive sur votre carrière universitaire.

Il y a également un autre professeur: l’égyptien Hassan El Nouty, qui s’est éteint en 2007. Lui aussi travaillait sur le spectacle, sous la forme du théâtre et du pré-cinéma au 19e siècle. Il était surtout le spécialiste du Proche Orient dans la littérature française, de Nerval à Barrès. C’est lui qui vous a transmis la passion des littératures du Maghreb et de l’Afrique Sub-Saharienne, de la Caraïbe et d’Haïti.

A votre tour professeur au Hunter College de la City University of New York, vous avez pour collègue un dernier grand disparu, spécialiste de la littérature antillaise.

Il s’agit du poète Edouard Glissant, avec qui vous découvrez l’idée de « créolisation ». Vous avez collaboré à plusieurs reprises et devenez l’héritière de sa « pensée archipélique du Tout-Monde » en traduisant ici son dernier ouvrage, De Loin, co-écrit avec Patrick Chamoiseau.

Héritage spirituel, voilà un mot qui vous définit également.

A l’institut français Henri Peyre, que vous dirigez au sein de CUNY depuis maintenant 11 ans, vous défendez quotidiennement le patrimoine de la littérature francophone. Français, suisses, canadiens, belges, haïtiens, africains ont pu se rencontrer régulièrement grâce aux colloques, festivals et événements que vous n’avez eu cesse d’organiser. Ensemble, ils ont pu réfléchir sur le sens de notre culture.

Vous incarnez à vous seule la complexité des arts, de l’histoire, de la philosophie, des lettres. Spécialiste du Moyen-Age, de la Renaissance, de la diversité des cultures francophones, vous vous êtes aussi intéressée à Mai 68, à la révolution haïtienne de 1804, en passant par la sociologie, le cinéma… tout un labyrinthe dont le cheminement pourrait facilement nous égarer. Mais pas vous !

Et ce labyrinthe, c’est aussi la France.

Cette complexité, qui ne peut se résoudre à des équations simples, linéaires, c’est aussi la France.

C’est pourquoi vous remettre les Palmes Académiques ce soir est un symbole. Vous représentez notre attachement aux Humanités, à sa tradition, à sa complexité et notre lutte pour la culture et l’éducation.

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Dear Francesca Canadé Sautman, originally a medievalist, you worked on francophone literature, sociology, philosophy, thus championing the cause of the humanities. We especially wish to recognize your role in fostering a deeper understanding of francophone cultures in their diversity.

Francesca Canadé Sautman, au nom du Gouvernement Français, je vous fais Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques.

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Chère Anne-Sophie Guéguen,

Ce qu’il y a de plus remarquable chez vous, c’est que vous savez créer la surprise.

Juste un exemple : vous avez commencé votre carrière dans la sidérurgie, au sein du pôle événementiel du groupe Usinor. Tout vous prédisposait donc à recevoir les Palmes Académiques.

On observe parfois dans la nature un étrange phénomène : la mue de certains animaux. J’ai l’impression que c’est un peu ce qui s’est produit au cours de votre vie. Devrais-je dire vos vies ? Femme, mère, épouse, entrepreneuse, vous avez mué, migré, nidifié… Vous êtes aujourd’hui « palmée » : un véritable oiseau migrateur !

J’ai cru comprendre en effet que vous aviez eu très tôt le désir de voler de vos propres ailes.

Vous vouliez parcourir le monde. Votre solide expérience en événementiel vous en a donné les moyens. Vous avez séjourné au Japon, en Australie, en Afrique… Rien ne pouvait vous arrêter.

Jusqu’au 31 mai 1994.

En plein territoire Amhara, aux confins de l’Ethiopie, un accident de voiture faillit mettre fin à votre jeune vie pleine de promesses. Mais vous en réchappez et, sans rancune, vous tombez même amoureuse du chauffeur, Jean-François, qui conduisait la voiture.

Vous restez alors en Ethiopie où le destin vous appelle une seconde fois : on vous offre un poste d’enseignante au lycée français d’Addis Abeba.

De retour au nid un an plus tard, vous commencez en France une triple nouvelle existence.

Epouse : vous vous mariez avec Jean-François. Mère : vous accouchez de votre premier enfant, Malo. Femme d’action : vous êtes chargée de la communication de ce qui est alors l’enjeu majeur pour l’Europe, le lancement de la monnaie unique.

Qui de mieux pour gérer un tel changement qu’une spécialiste du changement ?

En 1999, vous êtes prête pour la grande migration, vous traversez l’Atlantique.

Votre mari – qui avait entre temps passé son permis de conduire… – doit s’installer en Floride pour ses affaires viticoles. Sur place, votre carrière évolue et votre famille s’agrandit.

Vous suivez toutes les étapes de la création de valeur: d’abord le fer, d’où sont forgées les pièces, puis les pièces elles-mêmes avec l’euro, et enfin… le plus important, le luxe ! Vous participez à l’ouverture des boutiques Baccarat et Christofle à Panama City et Porto Rico alors que vos deuxième et troisième enfants, Arthur et Lola, voient le jour à Miami.

En 2002, cela n’étonnera plus personne, vous déménagez !

Vous allez à Haworth dans le New Jersey… où votre mari doit repasser son permis de conduire.

En attendant votre quatrième enfant, une question vous obsède : comment réussir à faire vivre le français et la France dans l’esprit de votre famille en étant loin de son pays d’origine?

Vous imaginez alors une école française pour accueillir vos nombreux rejetons, et bien plus encore. Maya nait en mai 2007 et la French Academy of Bilingual Culture ouvre ses portes le 14 juillet 2007.

Cette école bilingue s’est développée de façon absolument spectaculaire.

Elle compte aujourd’hui près de 300 élèves.

Alors qu’il n’y avait pas d’autre école bilingue dans cette région, vous avez ouvert un deuxième site en 2010 : le Morris Plains Campus.

Vous offrez des cours de la maternelle à l’élémentaire, des cours de français pour adultes, des activités extrascolaires pour les enfants… Vous leur apprenez chansons, comptines, ballet, théâtre, sport, cours de mandarin ou de science… J’ai même entendu parler de la création d’un cinéclub. Une véritable communauté s’est mise en place. Plus encore, il s’agit d’une véritable philosophie.

Vous êtes aujourd’hui une directrice d’école remarquable. L’alliance de vos talents de mère de famille nombreuse et de femme d’action vous a beaucoup aidée. L’alliance avec votre mari aussi.

Le bruit court que c’est même lui qui conduit le bus scolaire !

Merci à vous aussi Jean-François pour votre investissement et votre soutien dans cet édifice né avant tout d’une histoire familiale.

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Dear Anne-Sophie, you dreamt of a bilingual education for your four children, but nothing existed in New Jersey. Your dream became a reality on Bastille Day 2007, when you founded the French Academy of Bergen County. You have created one more Francophile region in the United States and we thank you tonight for this achievement.

Anne-Sophie Guéguen, au nom du Gouvernement français, je vous fais chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques.

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Chère Catherine Poisson,

Sartre et Beauvoir : Du « je » au « nous » : c’est le titre de votre livre. De « vous » à « nous » : c’est ce dont il s’agit ce soir.

Spécialiste du « moi » d’autrui et plus particulièrement de la photographie dans l’autobiographie, vous avez consacré votre vie aux autres, nous allons ce soir rendre hommage à votre générosité et votre modestie.

J’ai cru constater une certaine dualité en lisant votre bibliographie, pardonnez-moi mais j’ai voulu mener une enquête. Cet éternel retour du chiffre 2… Comment l’expliquez-vous ?

Vous avez d’abord fait de brillantes études littéraires à la Sorbonne, où vous avez travaillé sur « Le thriller américain de 1920 à 1950 ». Vous avez fait ensuite de brillantes études littéraires à NYU, où vous avez travaillé sur « L’ambi-biographie de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ».

Je me demande ce qui a bien pu vous amenez du roman policier au couple de philosophes existentialistes le plus célèbre de la littérature française… Une variante de Bonnie and Clyde peut-être?

Plus intrigant, vos articles oscillent entre deux polarités : la banalité du fait divers et l’étrangeté fantastique. Je cite votre bibliographie en guise de preuve : « Le détective dans les romans policiers » ? « Le loup dans les contes de fées ».

« Le corps dans la littérature féminine »? « Les embobineuses et embobinées dans les romans de Marie N’Diaye ».

Peut-être est-ce par souci d’équilibre ?

Je ne sais pas si mes soupçons sont fondés, mais cet équilibre vous le trouvez en tout cas entre les Etats-Unis et la France.

Vous êtes toujours restée en contact avec la vie culturelle française. Vous êtes ici spécialiste de l’œuvre d’Emmanuel Carrère et vous retournez là-bas régulièrement, par intégrité pour vos élèves dîtes-vous. Vous enseignez en effet le français à l’université de Wesleyan, dans le Connecticut, depuis 1993.

Peut-être certains de vos élèves sont-ils présents ce soir ? J’ai ouïe dire qu’ils vous adulaient ! Vous avez semble-t-il, Catherine, un réel pouvoir d’inspiration.

Une véritable révolution a lieu dans ce pays grâce à vous.

A l’université comme dans votre vie privée, vous vous battez pour le bilinguisme et le biculturalisme.

Votre devise : « Monolinguism can be cured ! ».

Yes we can!

Alors que vous aussi cherchiez comment transmettre la culture française à votre fille, vous avez fondé en 2006 l’association EFNY, Education Française à New York.

C’est un réseau de parents volontaires qui organisent des activités d’enseignement du français dans les écoles publiques de New York. Désormais, grâce à cette force collective, les écoles fréquentées par les familles au revenu plus modeste peuvent aussi offrir une éducation bilingue.

Nous connaissons bien EFNY ici aux Services Culturels.

Nous avons collaboré à plusieurs reprises avec vous, et permettez-moi de dire que nous avons été particulièrement marqués par votre action bénévole alors même que votre fille était trop âgée pour intégrer une de vos classes « Dual Language », réservées aux niveaux élémentaires.

Vous avez ensuite créé le programme « FLAM, consolidation du français langue maternelle » pour donner la même chance aux enfants plus âgés.

C’est un pas de géant qui a des résultats de titan.

Vous avez recueilli environ 1200 élèves cette année.

On assiste dans la plupart des grandes villes américaines à la naissance d’associations similaires.

Votre mouvement se réplique de façon considérable.

Vous vous apprêtez même à retourner vivre de l’autre côté de l’Atlantique pour en défendre la cause auprès d’institutions politiques.

On vous attend déjà de pied ferme au Sénat.

Dear Catherine Poisson, creating the association Education Française à New York has fostered a major change in the United States. You initiated a financially affordable program of French in New York City public schools. It is now replicated in the whole country and you’ll soon be returning to Paris to advance this project which has caught the eye of educators and political leaders in France. We wish you good luck there.

Catherine Poisson, au nom du Gouvernement français, je vous fais Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques.

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Speech by Mr. Antonin Baudry, Cultural Counsellor of the French Embassy

Cultural Services of the French Embassy, June 12th, 2012