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Eugene Hernandez – Directeur du New York Film Festival

Nommé directeur du New York Film Festival en février 2020, Eugene Hernandez revient sur cette première édition sous sa direction et nous donne de bonnes raisons de croire à l’avenir du cinéma.

Vous avez été nommé avec le mandat de renforcer les liens du festival avec l’industrie et de faire entendre de nouvelles voix, Comment la crise du Covid-19 a-t-elle affecté votre projet en tant que nouveau directeur du festival ?

Cette année, la crise du Covid-19 a posé des défis majeurs pour notre pays, notre ville, notre organisation, et notre personnel. Nous avons des collègues qui sont tombés malades, ont perdu des proches, et notre propre organisation a dû faire face à des difficultés économiques. Malgré tout cela, au printemps nous avons décidé de continuer à préparer cette édition du New York Film Festival, même si nous ne savions pas si, ni comment, nous serions en mesure de  présenter le festival au public. Déjà avant  la pandémie, nous avions décidé de remanier ce festival vieux de cinquante-huit ans et d’inviter de nouvelles voix à participer au processus de sélection. Nous avons vu tellement de films forts cette année; et quand les troubles et les incertitudes de l’été sont arrivés, nous avons été encore plus convaincus qu’il fallait partager ces nouveaux films avec des spectateurs non seulement à New York, mais d’un bout à l’autre de notre pays.

Le Covid-19 a obligé des festivals internationaux de première importance tels que Venise, Toronto, Telluride et le New York Film Festival à collaborer et à partager les films. Cette situation ouvre-t-elle des perspectives intéressantes pour l’avenir ? Vous amène-t-elle à redéfinir le rôle des festivals dans le lancement des films ?

Nous avons resserré nos liens avec nos amis de Venise, Telluride et Toronto cet été, au moment où la crise du Covid s’aggravait. Dennis Lim et moi-même avons à plusieurs reprises rencontré Alberto Barbera de Venise, Julie Huntsinger de Telluride, ainsi que Joana Vicente et Cameron Bailey de Toronto pour confronter nos impressions, partager nos informations, et aussi tout simplement pour nous soutenir et nous encourager les uns les autres pendant cette période difficile et incertaine. En nous retrouvant pour soutenir nos missions respectives, nous nous sommes aperçus que nous partagions tous une même passion pour le nouveau film de Chloe Zhao, Nomadland. Nous avons alors décidé de faire une déclaration commune dans laquelle nous avons annoncé la programmation du film dans nos festivals, ce qui était aussi pour nous une façon de montrer les liens qui nous unissent et notre engagement à présenter des films au public cet automne. Nous avons continué à nous soutenir et nous encourager les uns les autres au long de la saison festivalière de l’automne. J’espère que ces liens si forts tissés entre nous resteront comme un résultat positif d’une année éprouvante et difficile.

Pour la première fois en 58 ans, le festival n’a pas pu se dérouler au Lincoln Center mais s’est déplacé dans des drive-ins à Brooklyn, Queens et dans le Bronx, en proposant simultanément des séances virtuelles accessibles à travers les États-Unis. Que tirez-vous de cette expérience ?

Quand notre Directeur de la Programmation, Dennis Lim, et moi-même nous sommes retrouvés en janvier et février pour revoir et simplifier la structure des programmes du New York Film Festival, nous avons aussi pris le temps de parler à nos collègues de Film at Lincoln Center pour réfléchir à la meilleure façon de se connecter avec la ville dans son ensemble. Nous voulions redéfinir notre Festival comme le « festival de cinéma de New York » et bâtir quelque chose à partir de  l’histoire de notre organisation qui présentait déjà  des films dans les parcs de toute la ville dans les années 70. Nous avons commencé à imaginer comment nous pouvions renouer avec cette histoire. Une fois que l’impact de la pandémie est devenu  évident et que nous avions décidé de maintenir le Festival, nous avons contacté nos amis de Rooftop Films ici à New York pour trouver des nouveaux lieux, ce qui nous permettrait de partager la sélection du Festival avec le public dans des drive-ins de toute la ville. Au même moment, nous avons commencé à développer une plateforme de cinéma virtuel avec Shift 72. Nos équipes ont travaillé avec celles de Toronto et de Sundance pour trouver un moyen de partager nos sélections à l’échelle nationale. Tout cela donne un New York Film Festival plus accessible, susceptible de toucher de nouveaux publics. Idéalement, nous aurions aimé avoir aussi des séances au Lincoln Center cette année, comme tous les ans depuis 1962 ; nous pensions que ce serait possible cette année, mais ce n’était simplement pas prudent. D’une certaine manière, notre 58ème Festival est comme une renaissance. Cela nous fait espérer que nous pourrons continuer à partager le New York Film Festival avec de nouveaux publics à l’avenir.

Les questions de diversité et d’intégration ont été sur le devant de la scène aux États-Unis ces derniers mois. Comment cela se traduit-il dans l’industrie du cinéma et plus précisément pour le New York Film Festival ?

Cette année, lors de notre processus de sélection, nous avons découvert beaucoup de films qui parlent directement du moment que notre pays traverse aujourd’hui : des films comme The Inheritance d’Ephram Asili, Time de Garrett Bradley, The Monopoly of Violence de David Dufresne, I Carry You With Me de Heidi Ewing, MLK/FBI de Sam Pollard, City Hall de Frederick Wiseman, Nomadland de Chloe Zhao et trois nouveaux films de Steve McQueen (Lovers Rock, Mangrove, et Red, White & Blue). Ce sont quelques exemples de films sélectionnés par le Festival qui sont profondément en phase avec cette période, même si les cinéastes n’auraient pas pu complètement l’imaginer lorsqu’ils réalisaient ces œuvres exceptionnelles. Steve McQueen par exemple a dédié sa série de films Small Axe à George Floyd suite à son meurtre insensé par la police. Ces nouveaux films nous ont poussé à redoubler d’efforts pour faire en sorte que cette édition du New York Film Festival ait lieu. Cette année, le Festival a organisé de nombreux débats et panels sur plusieurs de ces thèmes. À l’intérieur de notre organisation, nous nous concentrons sur les façons de créer une institution encore plus diverse, équitable et ouverte à tous. Ce sont des objectifs essentiels pour nous et ils devraient l’être pour toute l’industrie du cinéma. J’espère qu’à l’avenir nous pourrons être un exemple dans ce domaine.

Le New York Film Festival est un endroit unique pour découvrir des talents du cinéma international, comme le montre cette fois encore la programmation proposée par Dennis Lim. Quel est votre regard sur l’avenir du cinéma en cette période de crise profonde ?

Cette année, pendant notre processus de sélection, nous avons été très touchés et inspirés par de nombreux nouveaux talents venus du monde entier. C’est un honneur pour nous de suivre cette longue tradition du New York Film Festival et de pouvoir faire découvrir de nouveaux films et de nouveaux cinéastes. Nous avons aussi vu de nombreux films qui n’étaient pas encore prêts à être montrés cet automne mais avec un peu de chance, ils le seront l’année prochaine.

Grâce à ces artistes forts et talentueux, l’avenir du cinéma est radieux. Mais il y a de grands défis à l’horizon. Beaucoup de festivals et d’organisations comme la nôtre font aujourd’hui face à l’incertitude. L’année prochaine risque d’être aussi difficile, surtout pour des institutions comme la nôtre qui attendent encore la réouverture complète des salles de cinéma qui sont le fondement de notre travail. Nous continuerons à garder l’esprit ouvert et à évoluer comme il le faut pour préserver la santé et le bien-être de notre organisation, notre personnel et notre public. Nous nous engageons à trouver pour nos collègues et notre communauté de nouvelles façons de célébrer l’art du cinéma,  de sublimer ses artistes et de contribuer à l’enrichissement de la culture cinématographique.

Propos recueillis par Valérie Mouroux, attachée audiovisuelle, directrice du Département Cinéma, TV et Nouveaux Médias (New York)
Twitter : @VMouroux

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Eugene Hernandez est Directeur du New York Film Festival et éditeur de Film Comment à Film at Lincoln Center où il est Directeur exécutif associé. Ses responsabilités incluent  la direction stratégique, la programmation des événements spéciaux, et la gestion des initiatives pour les artistes émergents, l’industrie, et l’éducation. Il a été engagé par Film at Lincoln Center en 2010 en tant que Directeur de la Stratégie Numérique pour développer les plateformes et les contenus numériques. En 1996, Eugene Hernandez a cofondé IndieWire, une revue en ligne qu’il a développée pendant 15 ans pour en faire la principale publication éditoriale sur le cinéma indépendant international. En 2015, il a fait partie du classement OUT100 (Out Magazine).  Il a été juré à Sundance, SXSW et aux Film Independent Spirit Awards. Il a aussi une longue expérience de consultant pour plusieurs associations à but non lucratif, y compris Creative Capital Foundation. Ses écrits ont été publiés dans d’importantes revues imprimées et en ligne. Il siège aux conseils consultatifs de SXSW, SeriesFest, et Art House Convergence. Il est aussi consultant à la programmation pour le Key West Film Festival.

Twitter : @eug
Instagram : @eugonline

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