PBS (Public Broadcasting service) est un vaste réseau de télévisions publiques qui couvre l’ensemble des Etats-Unis et compte une audience mensuelle de 120 millions de personnes pour ses programmes télévisés et 26 millions pour ses plateformes numériques. Dans le contexte actuel de la pandémie, des “fake news” et du mouvement Black Lives Matter, Sylvia Bugg, récemment nommée Directrice Générale des programmes, revient sur les missions de PBS et les clés de la réussite en matière d'éthique et des questions de diversité.
PBS fête cette année ses 50 ans. Quels sont, selon vous, les plus grands défis auxquels la télévision publique américaine doit faire face aujourd’hui, dans un paysage audiovisuel en constante évolution ?
PBS est né de cette idée révolutionnaire que le public américain a droit à un service télévisuel non commercial qui instruit, inspire et divertit. Malgré les changements spectaculaires qu’a connus le paysage audiovisuel depuis notre création, cette mission reste essentielle. Aujourd’hui, PBS et ses 335 stations membres continuent de s'appuyer sur ce qui fait notre ADN, à savoir aborder des sujets essentiels et servir nos communautés.
Un de nos plus grands défis est de nous assurer que notre contenu sorte du lot par rapport à l’offre pléthorique de contenus audiovisuels. Nous y parvenons en proposant des contenus exceptionnels qu’on ne peut pas trouver ailleurs à la télévision. De plus, pour rester compétitifs dans un environnement de médias multiplateformes, nous nous concentrons sur le développement de notre stratégie de distribution, pour toucher les consommateurs là où ils sont, quand ils sont disponibles et à travers les moyens de communication qu’ils utilisent. Mais surtout nous maintenons des liens très étroits avec les différentes communautés sur le territoire grâce à nos stations membres qui sont détenues et exploitées localement. C’est un élément qui nous distingue de tous les autres grands réseaux de médias.
PBS a été créé avec la double mission “d’instruire et d’inspirer”. Quelle est votre stratégie pour atteindre un public divers, et surtout un public jeune?
En tant que média s’adressant à un public de toutes origines et de tous milieux, la représentation de la société américaine dans toutes ses composantes a toujours été au cœur de notre mission et de notre travail. PBS a quelque chose pour tout le monde, à toutes les étapes de la vie — de la programmation pour les plus jeunes de nos concitoyens à une offre de contenus solides pour les adultes. Ces dernières années, nous avons expérimenté de nouvelles offres avec des programmes et des plateformes, comme PBS Digital Studios, qui nous aident à toucher les adolescents et les jeunes adultes. Digital Studios produit du contenu original exclusivement pour les plateformes numériques et a une moyenne de 48 millions de vues sur YouTube par mois.
En cette année électorale aux États-Unis, quels sont les moyens mis en place par PBS pour contribuer au débat démocratique, particulièrement face à l’évolution des “fake news” ?
PBS a toujours cherché à produire des reportages dignes de confiance, reposant sur des analyses impartiales. Nous travaillons dur pour répondre à des normes très exigeantes d’intégrité éditoriale pour toutes nos émissions journalistiques, y compris PBS NEWSHOUR, WASHINGTON WEEK, AMANPOUR & COMPANY et FRONTLINE. À un moment où la confiance envers les médias s’érode, notre engagement en faveur d’une approche impartiale et transparente nous a valu la confiance du public américain. D’ailleurs, cette année, pour la 17ème fois d’affilée, les américains ont cité PBS parmi les institutions américaines les plus dignes de confiance – devant les institutions gouvernementales et d’autres médias tels les plateformes numériques, les chaînes de télévision commerciales et câblées, les journaux, et les réseaux sociaux.
Vous avez été Vice-Présidente pour la Diversité et les contenus télévisuels pour la Corporation for Public Broadcasting (CPB). Que pensez-vous de la représentation des différentes communautés dans l’industrie audiovisuelle aux États-Unis et quels sont, à votre avis, les défis qui restent à affronter ?
En tant que Vice-Présidente pour la Diversité chez CPB, je devais m’assurer que les publics auxquels s’adressent les médias publics se reconnaissent dans les contenus et les services que nous leurs offrions. Au fur et à mesure que la mixité raciale et sociale progresse aux États-Unis, il est du devoir des médias publics de faire entendre des voix et des histoires diversifiées, de diffuser des contenus qui présentent un large éventail de points de vue, sans exclusive. Au cours des années, nous avons invité les américains à réfléchir à l’héritage de la télévision publique, y compris aux innovations qui ont changé notre industrie, et aux gens et aux programmes qui sont si profondément ancrés dans notre culture.
Cette année les programmes PBS ont remporté dix Emmy Awards. Comment expliquez-vous cette réussite et quels sont vos principaux projets pour les années à venir ?
En fin de compte, la clé de la réussite, c’est de rester fidèles à notre mission. Nous ne sommes pas là uniquement pour divertir. Depuis sa création il y a 50 ans, PBS a toujours raconté des histoires qui ont un réel impact dans la vie de nos concitoyens et offert des programmes qui renforcent la vitalité démocratique et culturelle de notre pays.
Dans les années à venir, nous allons continuer de placer l'éducation et l’inspiration au cœur de notre travail. De même, dans notre stratégie de programmation, nous réserverons une place de choix aux histoires nées de la diversité, racontées par des gens de tous les horizons. De nombreux projets enthousiasmants sont actuellement en préparation : de nouveaux épisodes de la série MASTERPIECE, deux grands films de Ken Burns en 2021, des séries scientifiques révolutionnaires ainsi que des programmes audacieux sur les arts. À la base de tout cela, reste notre engagement à raconter de bonnes histoires, et à le faire bien.
Par ailleurs, nous resterons souples et réactifs pour tenir compte des évènements imprévisibles qui pourront se dérouler dans notre pays – de la crise du COVID-19 au dialogue autour du racisme — et nous continuerons à utiliser notre plateforme nationale, notre présence dans les communautés, pour encourager l’écoute et la compréhension et promouvoir un dialogue sérieux autour des questions qui importent vraiment aux américains.
Propos recueillis par Valérie Mouroux, attachée audiovisuelle, directrice du Département Cinéma, TV et Nouveaux Médias (New York)
Twitter : @VMouroux
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Sylvia Bugg a été récemment nommée Directrice Générale des programmes et responsable des programmes pour le grand public. Elle supervise tous les contenus hors programmes jeunesse et dirige la stratégie de programmation de PBS sur ses plateformes numériques et de télédiffusion. Elle est également responsable de l'acquisition et du développement d'une programmation à dimension internationale pour PBS et ses stations membres, avec un accent particulier sur le partage de sujets importants qui reflètent la diversité des États-Unis. Précédemment, Sylvia Bugg était Vice-Présidente en charge de la programmation à PBS. Avant de rejoindre PBS, Sylvia était Vice-Présidente pour la Diversité et les contenus télévisés pour la Corporation for Public Broadcasting (CPB). Elle y était chargée de la direction stratégique et était responsable des mesures prises par CPB pour favoriser la diversité dans les médias publics en collaborant et en soutenant les créateurs de contenu, les distributeurs et les organisations partenaires. Auparavant, Sylvia était Directrice de la Programmation Tous Publics à PBS, où elle a dirigé plusieurs initiatives pour développer un catalogue de fictions et de programmes culturels. Elle a aussi travaillé à la programmation des émissions sur l’histoire et les affaires publiques de PBS de 1993 à 1999. Sylvia a passé 12 ans dans les départements programmation, exploitation et production de plusieurs réseaux de Discovery Communications. Sylvia est titulaire d’un MBA de la Robert H. Smith School of Business de l'Université du Maryland, d'un master en Journalisme de l’American University à Washington, D.C. et d’une licence en communication d’Old Dominion University à Norfolk, Virginie.