Créé en 1997, le New York International Children’s Film Festival (NYICFF) est aujourd’hui le plus grand festival de films jeune public en Amérique du Nord. Tous les cinémas new-yorkais étant actuellement fermés, l’édition 2021 se déroulera entièrement en ligne du 5 au 14 mars. Nina Guralnick, sa directrice générale, nous parle de ses nouveaux projets et des enjeux inhérents aux programmes développés par le festival tout au long de l’année.
La sélection du NYICFF est éligible pour concourir aux Oscars. C’est l’un des deux seuls festivals de films jeune public aux États-Unis à bénéficier de cet honneur. Qu’est-ce que cela signifie exactement ?
En 2011, le NYICFF a été distingué pour la qualité de sa programmation et sa place prépondérante dans le paysage cinématographique. À ce titre, les gagnants des prix décernés par notre jury sont éligibles à l’Oscar du meilleur court-métrage en prises de vues réelles et à celui du meilleur court-métrage d’animation. Depuis 1997, trente-huit films présentés au NYICFF ont été nominés ou récompensés aux Oscars.
L’an dernier, vous avez lancé l’Industry Forum du NYICFF qui met l’accent sur la diversité dans les programmes pour enfants. Quels étaient vos objectifs en créant un événement exclusivement réservé aux professionnels ?
Notre objectif est de réunir des cinéastes, des directeurs de studio, des étudiants de cinéma, des dirigeants d’institutions culturelles et pédagogiques, des chercheurs, à toutes les étapes de leur carrière, et des professionnels du secteur des média, afin qu’ils échangent et partagent leurs expériences sur la manière d’assurer une meilleure inclusion et une meilleure représentativité des différentes communautés, notamment les plus marginalisées, dans les contenus destinés aux enfants.
La représentativité est l’un de nos principes directeurs. Nous avons constaté qu’un travail considérable a été fait pour porter à l’écran des histoires plus inclusives ; il nous a semblé que les retours d’expérience des professionnels qui ont réussi ce pari pouvaient être une source d’inspiration et de collaboration pour l’industrie dans son ensemble. L’un des principaux enseignements de ces discussions, c’est qu’il ne suffit pas de raconter l’histoire des communautés sous-représentées. Il faut aussi que les projets soient portés par des équipes elles-mêmes issues de la diversité. Il incombe à tous d’encourager les étudiants à s’investir dans ce domaine afin que l’industrie du cinéma pour le jeune public devienne réellement synonyme de diversité.
L'Industry Forum 2021, qui porte sur la diversité et l’inclusion dans les contenus pour enfants, se déroulera virtuellement au printemps. Il proposera des discussions ouvertes et franches, des tables rondes, des conférences et des présentations en avant-première de nouveaux projets d’animation. Il permettra aux cinéastes, animateurs et auteurs émergents, et autres professionnels des médias et de la culture de parfaire leurs connaissances et de se constituer un réseau.
Comment travaillez-vous avec les producteurs, les studios et les réalisateurs, français notamment, dans le cadre du festival et celui de l’Industry Forum ?
Tous les programmes du NYICFF (le festival, l’Industry Forum et FilmEd Classroom, les séances d’éducation au cinéma pour les enfants et les jeunes adolescents) répondent aux mêmes objectifs, à savoir de présenter les meilleures réalisations du monde entier, avec des histoires culturellement variées, destinées à tous les publics. Nous souhaitons accompagner des films qui permettent de dialoguer sur des thématiques importantes et qui proposent un modèle de production cinématographique plus inclusif à l’échelle internationale.
Le cinéma français a toujours été très présent au NYICFF, que ce soit dans l’animation, les films en prises de vue réelles ou le documentaire. Par la diversité des styles et des genres, il témoigne d’un grand respect pour le jeune public, et considère le court-métrage comme un art à part entière. Nous estimons que cette vision des films jeune public a toute sa place aux États-Unis et à l’international. Nous souhaitons aussi encourager la tradition – solidement ancrée en France – des coproductions, et le mouvement plus récent qui vise à offrir plus de visibilité au travail des réalisatrices et des cinéastes issus de la diversité. C’est grâce à des cinéastes issus des minorités que nous pourrons avoir des films qui présenteront d’autres cultures et d’autres points de vue. En invitant des cinéastes, des producteurs et différents acteurs de l’industrie dans nos programmes, notre objectif est évidemment de célébrer la création cinématographique mais aussi de montrer qu’il existe des manières viables d’accompagner des productions et des collaborations étrangères plus inclusives et d’une très grande qualité artistique.
Outre la pandémie, les événements de ces derniers mois ont vraiment mis en avant les inégalités raciales et le manque de diversité et de représentativité dans notre société. Quelle influence ces débats ont-ils eu sur la mission du festival ?
Depuis près de 25 ans, le NYICFF veille à présenter des œuvres et des expériences qui reflètent la réalité vécue par les artistes, en proposant des films pertinents et de qualité qui suscitent le dialogue, l’empathie et la compréhension chez les spectateurs de tout âge. Le NYICFF s’attache avant tout à faire connaître les œuvres et les points de vue de ceux dont la voix est trop souvent sous-représentée dans les médias traditionnels, en soutenant le travail d’artistes qui s’identifient comme Noirs, autochtones, issus de minorités ethniques, handicapés, membres LGBTQ ou d’autres communautés marginalisées.
Nous sommes conscients de l’importance et de l’influence de la représentativité, notamment sur les enfants qui s’identifient aux personnages qu’ils voient à l’écran, et sur ceux qui découvrent des expériences et des points de vue différents des leurs. Au vu des événements de l’année écoulée, ce travail semble plus essentiel que jamais. Nous avons donc redoublé nos efforts pour étudier les différentes façons dont le NYICFF peut encourager le dialogue, la compréhension, l’inclusion et l’éducation dans les cinémas, les salles de classe, le monde du cinéma, et les programmes et événements que nous organisons.
Vous avez récemment lancé un nouveau programme en ligne d’éducation au cinéma, FilmEd Classroom, destiné aux écoles et aux familles. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce programme et sur l’impact de votre mission pédagogique ?
Au début de la pandémie de Covid-19, nous avons vu qu’il fallait soutenir les enfants, les enseignants et les familles avec lesquels nous avions tissé des liens. Les enseignants se sont retrouvés en première ligne, avec pour mission de cultiver l’empathie et la curiosité de leurs élèves en l’absence de toute feuille de route. Nous leur avons rapidement emboîté le pas avec l’initiative FilmEd Classroom, qui remplace les sorties scolaires dans les cinémas par des expériences virtuelles en ligne, où les enseignants, grâce à des ressources éducatives, peuvent à la fois soutenir leurs cours d’alphabétisation et affuter la pensée critique de leurs élèves, tout en encourageant l’apprentissage social et émotionnel.
Cette nouvelle version de FilmEd Classroom propose désormais des films et des cours détaillés à des milliers d’enseignants (dont beaucoup n’ont qu’un accès limité aux outils de perfectionnement professionnel et d’enseignement artistique) afin d’encourager les élèves à réfléchir et débattre sur les problématiques liées au racisme, à l’identité et à l’inclusion. Même si elle est le fruit de circonstances exceptionnelles, le programme FilmEd n’est pas un dispositif temporaire. Il est en effet susceptible d’incarner l’avenir de l’enseignement artistique : adapté aux différentes cultures et facilement accessible aux enseignants et aux élèves, depuis leur lieu de résidence.
Propos recueillis par Nathalie Charles, chargée de mission, responsable du Festival Films on the Green, Département Cinéma, TV et Nouveaux Média (New York)
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En qualité de directrice générale du NYICFF, Nina Guralnick est responsable de l’orientation stratégique du festival. Avant cela, elle a occupé la présidence de Live Earth, où elle a mis en place une structure qui a su intégrer divertissement et média afin de toucher un public international. Elle supervisait le développement commercial et la communication, les partenariats de diffusion et stratégiques, les parrainages mondiaux, et les initiatives communautaires, interactives et numériques. Sous sa houlette, Live Earth est devenue la plus grande manifestation internationale de l’histoire du divertissement, avec près de deux milliards de spectateurs et 500 partenaires médias. Nina Guralnick a aussi été directrice générale de Control Room, devenu sous son impulsion l’un des principaux producteurs et distributeurs de divertissement au monde, puis dirigé la division nouveaux média de DreamWorks Records, où elle a créé un nouveau service média innovant qui est désormais l’un des piliers de l’activité et de l’orientation commerciale de la société.
Traduction: Fast ForWord - Illustration: Force Majeure